Général, Questions fréquentes

« Sudbury, c’est un peu comme … »

« C’est un peu comme Montessori ? »

Pas exactement. Pour mieux comprendre de quoi retourne l’approche Sudbury, des comparaisons peuvent aider à y voir plus clair.

         Quels sont les points communs entre Sudbury et les pédagogies les plus connues ? Quelles sont leurs principales différences ?
Sudbury, c_est un peu comme … (4)

« C’est un peu comme … Montessori ? »

         La pédagogie Montessori est certainement la plus connue dans le paysage des écoles alternatives. La vision de l’enfance dans cette pédagogie est sensiblement la même que la nôtre. En effet, Maria Montessori voit l’enfant comme un être à la personnalité unique qui a un rythme d’apprentissage spécifique. Pour elle comme pour nous, la curiosité et la soif d’apprendre de l’enfant sont innées et le rôle de l’école est simplement de laisser s’épanouir cette envie d’apprendre.

         Maria Montessori estime que l’enfant connaît des « périodes sensibles », c’est-à-dire des moments d’extrême réceptivité au cours desquels l’absorption des informations qui l’entourent se fait naturellement. Ces connaissances, assimilées dans l’enthousiasme, construisent solidement sa compréhension du monde. L’attitude du personnel enseignant se doit donc d’être observatrice mais peu interventionniste, afin de ne pas interférer dans ce processus cognitif.

         C’est par l’absence d’un cadre démocratique impliquant les élèves et par la mise à disposition d’un matériel pédagogique spécifique que l’approche Montessori diffère le plus de la philosophie Sudbury. En effet, nous ne limiterons pas les enfants à un matériel éducatif spécifique. Nous privilégierons l’accès à l’environnement du quotidien. Celui-ci permet les mêmes apprentissages sensoriels et cognitifs autonomes, sans effectuer de séparation entre les apprentissages scolaires et la vie quotidienne. Créer du matériel éducatif dirige les enfants vers certaines activités dont l’adulte attend des résultats spécifiques. Or, l’un des principes fondamentaux de notre approche éducative est que les adultes n’ont pas besoin d’influencer, de juger ou d’évaluer les activités choisies par les enfants, car nous estimons (et l’expérience des autres écoles de type Sudbury le prouve) que ceux-ci disposent naturellement des outils pour acquérir les connaissances et compétences nécessaires pour mener une vie d’adulte satisfaisante. Le rôle des adultes est plutôt de soutenir les élèves et davoir confiance en leur capacité de prendre des décisions sensées et d’apprendre de leurs erreurs. Par ailleurs, les élèves en école Sudbury peuvent participer à l’élaboration et l’application des règles et du fonctionnement de l’école.

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Maria Montessori entourée d’enfants, source : montesca.eu

« C’est un peu comme … Steiner ? »

    Selon Rudolf Steiner, l’école ne doit pas se limiter à transmettre des savoirs académiques, mais favoriser l’épanouissement de chaque enfant et l’aider à trouver sa voie, ce qui rejoint notre vision de la finalité de l’école. Toutefois, les moyens mis en œuvre par les écoles Steiner diffèrent de l’approche Sudbury.

             Dans ces écoles, les élèves suivent un programme obligatoire qui vise à développer leur potentiel intellectuel, manuel et artistique, en conformité avec la vision du monde anthroposophique de Rudolf Steiner. L’emploi du temps laisse davantage de place aux activités jugées essentielles au bon équilibre de l’enfant, comme le jardinage, la musique et les arts plastiques, qu’aux cours plus académiques comme le français ou les mathématiques. Ces écoles accordent une grande importance aux fêtes et cérémonies, qui doivent relier les humains aux rythmes du cosmos. L’eurythmie, une danse dont Steiner estimait qu’elle aide les humains à harmoniser leur corps et leur esprit, est au programme obligatoire de toutes les écoles Steiner. Les enseignements sont un peu plus personnalisés à partir de la seconde, avec l’introduction de cours optionnels.

             Le programme des écoles Steiner laisse donc moins de place aux apprentissages autonomes et aux initiatives individuelles, et hiérarchise les activités en fonction d’un objectif de développement holistique de l’enfant. L’école Sudbury entend quant à elle permettre à l’enfant de s’épanouir et de développer son potentiel non pas à travers un programme alternatif, mais en laissant chaque enfant déterminer son propre programme, dans un cadre démocratique sécurisant et garant du bien-être et des libertés de chaque élève. 

« C’est un peu comme … Freinet ? »

         On compare parfois les écoles Sudbury aux écoles Freinet. Il est vrai que l’approche Sudbury rejoint bon nombre des « invariants pédagogiques » formulés par Célestin Freinet. L’idée fondamentale de ce pédagogue était de transformer l’école en un lieu où règnent la coopération et l’expression personnelle, où l’on apprend par tâtonnement expérimental et où l’on accorde davantage de pouvoir décisif aux enfants pour leur permettre de vivre la démocratie à l’école. Freinet défendait en outre que l’apprentissage n’est efficace que s’il est motivé, non-contraint, et s’il n’est pas coupé de la vie quotidienne et du monde extérieur, ce qui rejoint tout à fait notre approche.

         La pédagogie Freinet demeure toutefois plus interventionniste. L’adulte reste l’instance qui coordonne et évalue les apprentissages. Parce que l’élève doit se plier à un plan de travail certes individualisé, mais préconçu par l’enseignant, sa liberté d’entreprendre est plus restreinte. Enfin, la méthode Freinet entend préserver les enfants du sentiment d’échec jugé inhibiteur et destructeur. Notre vision de l’échec est différente : nous avons la conviction que les échecs font partie du processus d’apprentissage et de perfectionnement. (Pour en savoir plus, consultez l’article “Les vertus de l’échec”)

         Pour mieux comprendre les différences entre les approches Sudbury et Freinet, vous pouvez consulter cet article de l’École Autonome)

The Freinet school in Vence (Alpes-Maritimes, France). In 1953.
Célestin Freinet et ses élèves, source : humanite.fr

« C’est un peu comme …  la pédagogie institutionnelle ? »

         Dans le prolongement des méthodes Freinet, la pédagogie institutionnelle (dite aussi « coopérative »), fondée par Fernand Oury et Raymond Fonvieille, rejoint notre volonté d’instaurer des institutions à même de créer un cadre sécurisant où l’on est respecté et où l’on a envie d’apprendre. Dans la pédagogie institutionnelle, les progrès des élèves y sont évalués sous forme de ceintures de compétences, censées favoriser la coopération entre les élèves. Les couleurs de ces ceintures correspondent à divers degrés de maîtrise d’une compétence, sur le principe des ceintures des judokas. Dans les écoles Sudbury ouvertes depuis de nombreuses années, on observe qu’il n’est pas nécessaire d’avoir recours à un indicateur matériel pour que les élèves coopèrent. De multiples facteurs favorisent grandement l’entraide et les apprentissages mutuels (sur ce sujet, voir aussi les articles “Trois éléments de la gentillesse” et « Le mélange des âges »).

« C’est un peu comme … les lycées autogérés ? »

         On peut également rapprocher les écoles Sudbury des lycées autogérés. En effet, l’organisation de ces établissements n’est pas hiérarchique, les élèves et le personnel enseignant prennent collectivement part aux décisions qui relèvent de la vie de l’établissement. Il n’y a pas dans ces lycées de notation obligatoire, ni de séparation des élèves par âge, la fréquentation des cours est libre et les élèves s’auto-évaluent. Nous  partageons donc de nombreuses valeurs, comme la responsabilisation, le libre-choix, l’absence de classes d’âge et l’organisation démocratique.

         Nous souhaitons offrir dans notre école un spectre d’âge beaucoup plus large, de quatre à dix-neuf ans, qui favorise davantage les apprentissages entre pairs. Les lycées autogérés ont vocation à mener leurs élèves au baccalauréat et doivent suivre le même programme que tous les lycées publics. Ces établissements proposent donc des cours facultatifs qui aiguillent le parcours des élèves dans une direction précise. Les écoles Sudbury, quant à elles, considèrent que tous les savoirs ont la même valeur et veillent à laisser aux élèves une totale liberté d’initiative, aussi bien pour la préparation du baccalauréat que du brevet national, car la motivation interne des élèves est le meilleur moteur pour atteindre leurs objectifs.

         Notons qu’à ses débuts, la Sudbury Valley School proposait une variété de cours facultatifs à ses élèves, à la manière de l’école Summerhill (école démocratique fondée par A.S Neill en 1921, en Angleterre), afin d’enrichir l’offre de formation de l’école.  Pour expliquer ce qui a amené la SVS à ne plus proposer le moindre cours non sollicité par les élèves, Daniel Greenberg (co-fondateur de la Sudbury Valley School) raconte une anecdote étonnante. Lorsqu’il enseignait les sciences physiques à l’université, il travaillait d’arrache-pied pour créer des cours aussi inspirants et passionnants que possible, afin de motiver ses élèves pour cette discipline réputée si difficile. Cela fonctionnait très bien. Mais un jour, un ancien élève vint le voir et lui dit avec tristesse : « Vous avez ruiné ma vie ». Et il s’expliqua : « En première année, j’ai suivi vos cours. Vous avez rendu les sciences physiques si intéressantes que j’ai décidé d’en faire mon principal domaine d’étude. Ce n’est qu’en dernière année que j’ai réalisé qu’en réalité, cette matière ne m’intéressait absolument pas, que mes talents et mes objectifs sont ailleurs. À cause de vous, tout mon parcours d’étudiant est un gâchis » (voir Turning Learning right side up, Greenberg et Ackoff, p.12). Certes, ces mots sont particulièrement durs, mais cette anecdote montre bien une chose : la séduction pédagogique peut avoir pour effet de détourner les élèves de leurs réels intérêts et du temps d’introspection nécessaire pour trouver sa voie. Lorsqu’à la Sudbury Valley School, les cours optionnels ont été désertés par les élèves, les membres du staff n’ont donc pas incité les élèves à y aller. Les cours proposés par les adultes ont disparu. Les seuls cours dispensés à la Sudbury Valley School sont ceux que les élèves sollicitent.

Il n’y a pas une seule manière d’apprendre

         On le voit, le principal point de divergence entre Sudbury et toutes ces approches pédagogiques, c’est précisément que Sudbury n’impose pas aux enfants et adolescent·e·s une manière d’apprendre.

         Les pédagogies mentionnées ci-dessus élaborent un ensemble de méthodes pour instruire l’enfant d’une certaine manière, autrement dit pour lui transmettre des connaissances, un savoir-être et des savoir-faire prédéterminés que l’enfant n’aura pas cherché de son propre gré. Ces approches pédagogiques sont sincèrement soucieuses du bien-être et de l’intégrité de l’enfant. Toutefois, leur finalité reste de transmettre à l’élève un programme établi par l’adulte, fondé sur sa hiérarchisation des savoirs et des activités, sans que cela provienne des aspirations et des affinités de l’élève. La principale mission des pédagogues est de déterminer les moyens les plus efficaces pour transmettre ce que l’adulte estime important de savoir ou de faire. Malgré l’octroi de plus d’autonomie et de liberté, le rapport à l’enfant dans ces pédagogies reste vertical, hiérarchique, et dans une certaine mesure, dominant. Il y a une part de coercition dans toute pédagogie qui fixe des objectifs à l’enfant.

         Le modèle Sudbury propose une vision différente de l’école. Son but premier est de permettre aux enfants et adolescent·e·s d’être libres et pleinement responsables de leur éducation, pour devenir des adultes à même de s’épanouir dans une société démocratique. Les écoles Sudbury renoncent à toute séduction pédagogique, afin de laisser chaque élève suivre sa motivation intrinsèque, qui reste le moteur le plus efficient pour apprendre et développer son potentiel.

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         Cela signifie-t-il pour autant que l’école Sudbury est hermétique à toute pédagogie ? Absolument pas. Elle laisse au contraire à chaque élève la liberté de trouver le moyen qui lui permettra d’apprendre et d’évoluer. Des enseignements magistraux très formels peuvent donc parfaitement trouver leur place dans le cadre d’une école Sudbury, si et seulement si l’élève souhaite y recourir et estime que ceux-là l’aideront à atteindre ses objectifs personnels.

         Renoncer à l’intention pédagogique n’est pas laisser les enfants à l’abandon. C’est au contraire leur offrir l’opportunité de mieux se connaître et d’ «apprendre à apprendre» de façon autonome, sans que l’adulte ne vienne interférer dans ce processus crucial de découverte de soi. Hannah Greenberg, co-fondatrice de la SVS, insiste sur l’importance du « silent factor » (voir The Sudbury Valley School Experience, Greenberg et Sadofsky,  p.178) : il s’agit pour le personnel de l’école de faire preuve d’attention et de disponibilité à tout moment, d’aider l’élève qui le demande à trouver des ressources pour faciliter ses apprentissages, mais sans vouloir influencer ou diriger son parcours. La priorité de l’école Sudbury est de garantir les droits des enfants et leur liberté de poursuivre leurs propres intérêts et leur propre bonheur, car nous savons que l’enfant est capable de discernement et de réflexion. C’est grâce au cadre démocratique qui garantit ses droits que l’enfant ou l’adolescent·e peut s’épanouir, développer sa confiance en soi et prendre pleinement sa vie en main.

 

 


 

À l’École Sudbury Lilloise, projet d’école basé sur le modèle de la Sudbury Valley School, les enfants et adolescents de 4 à 19 ans interagiront librement et décideront de ce qu’ils feront de leur journée.

Ils apprendront ainsi à penser par eux-mêmes et à accéder aux connaissances dont ils ont besoin par de multiples moyens. Ils apprendront à argumenter et à se confronter à des problématiques complexes. À travers les activités auxquelles ils décideront de se consacrer, ils apprendront les connaissances de base ; en étant maîtres de leur vie, ils seront également responsables des résultats qu’ils obtiennent. Ils apprendront à prioriser, à consacrer les ressources nécessaires pour obtenir ce qu’ils veulent et à travailler avec les autres dans un groupe. Ils exploreront le monde librement, à leur rythme, à leur manière, dans un climat de confiance et de respect. En étant responsables d’eux-mêmes et de l’école, ils acquerront les ressources intérieures pour mener leur vie.

Pour en savoir plus, consultez notre site internet.

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